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Tout reste à faire – Rabbin F. Garaï

Tribune de Genève – 14 janvier 2015.

Tout reste à faire

Des assassins ont répandu la terreur, déniant toute valeur à la vie, celle de leurs victimes comme la leur propre. De façon radicale, ils ont contesté ce qui fait de nous des humains ainsi que les fondements de notre société. Ils ont revendiqué agir en qualité de musulmans et dans la fidélité à l’islam. Nombreux sont ceux qui ont affirmé qu’ils n’étaient pas des musulmans et que l’islam qu’ils prétendaient défendre n’est pas le véritable islam. Mais leurs revendications ne peuvent pas être effacées par de telles lénifiantes déclarations. Ne pas prendre en compte leurs affirmations ne permet pas de soigner le mal, ce mal qui se répand dans le monde occidental comme au sein du monde musulman, en Asie et en Afrique, semant la mort et l’asservissement des âmes et des corps.

Les responsables religieux de l’islam modéré doivent donc s’interroger et rechercher dans leur corpus religieux ce qui donne naissance à ce mal et à ce déchaînement de violence. Pour cela, ils doivent se départir d’une approche fondamentaliste du Coran et des textes de leur tradition, comme cela s’est fait au sein d’expressions actuelles du christianisme et du judaïsme. Ils doivent accepter la critique interne comme la critique externe. Mettre en question des affirmations de l’islam, ce n’est pas être islamophobe, comme critiquer le judaïsme n’est pas être antisémite et mettre en doute le credo du christianisme n’est pas faire montre de christianophobie. Cette remise en question sera salutaire, pour les musulmans en premier.

Les événements qui viennent de se produire en France ont été prémédités et leurs cibles n’ont pas été décidées au hasard.

La presse, parce qu’elle défend la liberté de jugement et de parole, même si cela dérange. Sans les questions qu’elle pose, nous retomberions à l’âge des despotismes et de la dépendance intellectuelle et politique.

L’Etat, parce qu’il est garant de la sécurité de chaque citoyen comme il est garant du droit. Tout n’y est pas parfait mais l’exercice de la démocratie permet de penser une société plus juste et plus humaine.

Et les juifs qui, pour certains musulmans aujourd’hui, sont des parias par défaut. Ce langage rappelle celui de l’Eglise du Moyen Age. Et le monde chrétien est lui aussi leur cible, comme le montre la situation des chrétiens au Moyen Orient.

Ces réalités ne peuvent pas être éludées car les extrémistes musulmans qui déclarent combattre pour l’islam et pour leur prophète, refusent en bloc ce qui fait notre civilisation. Chez certains européens cela génère la peur et les informations qui proviennent de certaines contrées justifient cette peur.

Pourtant, dans le passé, l’islam a été vecteur de progrès. Il reste, aujourd’hui encore, une civilisation porteuse de richesses. Nous avons donc tout à gagner d’un échange respectueux et honnête entre les cultures juives, chrétiennes et musulmanes, sans oublier les cultures asiatiques.

Si nous voulons que les droits humains gagnent du terrain, il faut, dans la fidélité à nos propres idéaux, ouvrir le dialogue, savoir écouter et apprendre ce que l’on ne sait pas encore. Cela nous permettra de vivre côte à côte en êtres doués de raison, libres, responsables, respectueux et respectés.

C’est ce dont nous ont peut-être rendus conscients les bourreaux de la semaine dernière. Fallait-il que 17 personnes soient assassinées pour arriver à ce constat ?