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Sermon du Rabbin François Garaï

Vayichla’h 2017

En ces jours de ‘Hanoukah, impossible de ne pas parler de Jérusalem qui fut délivrée et consacrée à nouveau comme centre de la vie juive par les Macchabées.

Rappelons qu’à travers l’histoire, Jérusalem ne fut une capitale que dans le cadre d’un royaume ou d’un état juif. Et il est bon de rappeler également qu’aujourd’hui, dans la pratique diplomatique, lorsqu’un président ou un ministre se rend en Israël, il rencontre son homologue israélien à Jérusalem et non à Tel Aviv. Et il en va de même avec le Pape.

Constatons qu’en 1995, le Congrès américain a voté à l’unanimité le Jerusalem Embassy Act, qui invitait le Président des Etats-Unis à transférer l’ambassade américaine à Jérusalem. Et si le Président Donald Trump a acté cette décision du Sénat, c’est aussi, et peut-être en premier lieu, pour des raisons de politique intérieure

Souvenons-nous également que la Déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël fut prononcée à Tel-Aviv et non à Jérusalem. David Ben Gourion, laïc affirmé, voulait que ce moment ne soit pas rendu encore plus pesant par la charge émotionnelle liée à Jérusalem.

Et on voit bien que ces derniers temps, cette charge émotionnelle ne s’est pas estompée. Quant à la réaction de la rue, elle fut relative, au grand dam de certains médias de nos pays qui attendaient une nouvelle intifada, j’oserai même dire qui l’espéraient.

Qu’en penser?

Je ne sais pas quelle est la bonne réponse, et nul ne le sait. Seuls les développements à venir nous le diront. Et pour que ces développements aillent dans le sens de la paix, encore faut-il se départir des pulsions qui font appel à la rage ou à l’exaltation.

Le statut de Jérusalem dépend-il de la déclaration du président d’un pays, quel qu’il soit? Le penser c’est rabaisser Jérusalem au rang de sujet politique et l’exclure du domaine spirituel.

Dans un article paru dans Le Monde (8.12.2017), le rabbin David Meyer, professeur à l’Université grégorienne pontificale de Rome, déclare que le statut de Jérusalem devrait s’inspirer de celui du hefker, c’est-à-dire sans propriétaire ou qui relève du domaine public, comme du statut du hekdèch: qui appartient au domaine religieux et rituel.

Je souhaite que pour les croyants chrétiens, musulmans et les nôtres, Jérusalem reste une ville ouverte comme elle l’est aujourd’hui et ne soit pas divisée comme entre 1948 et 1967, lorsque les Juifs étaient interdits dans la partie annexée par la Jordanie. Je souhaite que Jérusalem, en hébreu: Yerouchalayim, devienne ce que son nom indique: la ville de la double paix, ce que signifie cette forme finale particulière chalayim. D’ailleurs, en hébreu, le mot paix au pluriel n’existe que sous cette forme “duelle”. La paix doit satisfaire toutes les parties et apaiser toutes les tensions. C’est pourquoi chalom / paix dérive de chalèm / plénitude. La paix n’existe que si cette plénitude est ressentie de part et d’autre.

Je rêve d’un consensus au sujet de Jérusalem et je sais que c’est un rêve. Je rêve que Jérusalem soit Yerouchalayim / la ville de la double paix, celle de tous ceux qui l’habitent, que les institutions de l’Etat d’Israël qui s’y trouvent puissent continuer à l’être et que pour les Palestiniens une solution équitable soit trouvée et qu’elle leur donne un sentiment de plénitude.

Cette ville a une particularité: à divers niveaux, elle concerne les religions juive, chrétienne et musulmane, toutes tendances confondues, c’est-à-dire 60% de la population mondiale. Alors pourquoi ne pourrait-on pas concevoir une partie de cette ville devenant hefker, c’est-à-dire sans propriétaire ou hors de toute souveraineté -comme il en va des institutions onusiennes dans le monde- afin d’être hekdèch c’est-à-dire consacrée à un but au-delà d’un état ou de toute politique. Ne pourrait-elle pas être le siège d’une organisation internationale concernée par l’avenir de notre planète comme par exemple le siège d’une organisation mondiale du développement durable et de l’écologie et peut-être également le siège ou une branche de l’Unesco, la culture étant un gage d’apaisement.

Ce serait peut-être ainsi relâcher le nœud qui enserre toutes les pensées autour de Jérusalem. Elle serait alors la ville de la double paix, la paix de la région et l’espérance d’un avenir de paix pour tous.