Sermon de Roch Hachanah – 5781
Sermon du rabbin François Garaï – Roch Hachanah 5781
La catastrophe, disait Walter Benjamin, c’est quand les choses suivent leur cours. Or cette année nous avons frôlé la catastrophe car les choses n’ont pas suivi leur cours. Le Coronavirus s’est répandu comme une nuée au-dessus de nous et en a agressé des centaines de milliers.
La pandémie nous a fait découvrir des termes qui nous étaient étrangers comme: distanciation sociale, gestes barrières et d’autres encore que nous avons redécouverts comme confinement, quarantaine ou certains dont l’usage est devenu quotidien alors qu’ils évoquaient des jours carnavalesques comme le masque, habituellement réservé à Pourim.
Ces termes connus ou inconnus ont créé un environnement anxiogène.
Distanciation sociale ne voulait pas dire s’éloigner des autres mais nous invitait à affirmer notre proximité avec les autres, en marquant une certaine distance spatiale avec eux pour que nous puissions continuer à nous côtoyer.
Geste barrière qui n’était pas là pour marquer des espaces différenciés, mais pour nous inviter à inventer une proximité relationnelle d’une autre façon que par le passé, moins corporelle, mais tout aussi affectueuse.
La quarantaine était une notion liée à l’histoire du Moyen Age lorsque sévissaient les épidémies de peste et de choléra. Alors que nous l’avions oublié, le Coronavirus nous a fait redécouvrir la normalité des choses: les maladies virales sont volatiles et insaisissables, elles se déplacent au gré du vent et des mouvements humains.
L’épidémie s’est répandue dans le monde, alors que nous avions oublié que cela pouvait être. Le souvenir de la grippe aviaire H5N1, en 2008, avait quitté nos esprits. De ce fait, l’émergence du Coronavirus a été ressentie comme une fragilisation de notre être car, jusque-là, nous avions un sentiment d’invincibilité presque totale. Des personnes ont été qualifiées à risque, comme si nous n’étions pas tous fragiles et vulnérables. Nous avions oublié que notre corps d’adultes s’affaiblissait de jour en jour, imperceptiblement. Cela a remis en place nos pensées et nous a fait redécouvrir non pas uniquement la fragilité de notre existence, mais aussi le rare bonheur de réaliser que nous vivions, que chaque matin nous nous réveillions et pouvions envisager une journée nouvelle de vie et d’action, sauf durant le confinement lorsque certains se sont sentis déconnectés et vécurent dans un grand désarroi.